Le divorce, un mal nécessaire ?

Le divorce de mes parents, entamé alors que j’avais 6-7 ans, m’a profondément traumatisée. Je leur en ai beaucoup voulu de m’ôter le bonheur d’avoir, comme la plupart de mes amis, un papa et une maman pour m’accueillir, tout sourire, après l’école. Au lieu de cela, ma mère n’arrêtait pas de dénigrer mon père, et celui-ci faisait de même. Lorsqu’elle s’énervait, j’étais la fille de mon père, et vice-versa. J’étais intimidée par mon père, notre relation n’a pas été fusionnelle comme je l’aurais voulue. Il faut dire qu’il était de la vieille école (né en 1939), et qu’il n’était pas très exubérant pour montrer ses sentiments. Moi j’étais timide, quasi maladivement, et on ne s’embrassait que pour se dire bonjour le matin ou bonsoir avant d’aller de se coucher. Il n’y avait pas d’effusion de joie, pas de câlin, pas de tendresse spontanée. Et j’entendais tellement de choses négatives de part et d’autres que j’avais l’impression que je ne pouvais pas faire confiance à aucun de mes parents. J’étais en attente d’un amour qu’il ne m’offraient pas ou alors maladroitement.

Ils étaient souvent malheureux, tristes, et haineux à cause de ce long divorce et des multiples procédures relatives à la pension alimentaire. Quant à moi, j’absorbais comme une éponge leurs émotions négatives. J’étais au milieu, je défendais toujours le parent absent, ce qui me valait d’être souvent traitée en ennemie. J’aurais voulu que tout soit simple, j’aurais voulu que mes parents s’aiment, me prennent dans leurs bras, me montrent l’exemple d’un couple heureux, harmonieux, plein d’amour et de joie.

Je pense que ce vide dont j’ai souffert m’a poussé à me construire en opposition par rapport à mes parents. Très jeune, je savais déjà que je voulais me marier, avoir une famille nombreuse (au moins 3 enfants), et instaurer un climat d’amour et de paix pour que cette nouvelle famille soit épanouie. Je n’ai jamais eu d’aventures d’un soir, je ne suis jamais allée en discothèque. J’ai rencontré mon premier amour pendant mes études de droit, cela a duré plus de 2 ans, puis après notre rupture j’ai trouvé quelqu’un d’autre, mais à cette époque j’étais mal dans ma peau, et ce n’était pas forcément une « belle histoire »… Cela n’a d’ailleurs duré que 13 mois.

Et puis j’ai rencontré le Mâle, nous avons vu plusieurs pièces de théâtre, et l’on est tombés amoureux l’un de l’autre. J’avais rencontré d’autres personnes auparavant, mais je ne me sentais pas à l’aise, ça ne fonctionnait pas. Avec le Mâle, sans aller jusqu’à parler de coup de foudre, je me suis tout de sentie bien avec lui, je me sentais en sécurité. Il me plaisait, on discutait facilement, il était mignon, tendre, intelligent et honnête (il l’est toujours). J’ai pu me confier à lui très librement, et avec son amour j’ai commencé à oublier des pages douloureuses de mon existence. Lorsqu’on s’est installés ensemble, j’ai repris goût à la vie. Il m’a rendue -et me rend encore- heureuse. Nous avons eu des chats, on s’est fiancés, et le 28 juin 2008, je suis devenue sa femme. 9 mois après notre union, notre premier enfant, un garçon, est né. Puis nous avons eu une fille en 2010 et un autre petit bout de chou en juin 2012. Je suis consciente que mes enfants me permettent de cicatriser cette carence d’amour et j’espère arriver à les rendre aussi heureux qu’ils me rendent heureuse. J’ai le sentiment d’avoir encore tellement d’amour à donner à ceux qui m’entourent !

Depuis que j’ai rencontré mon mari, en juillet 2005, nous ne nous sommes jamais disputés. Je l’aime au point de compter chaque matin le nombre d’heures qui me séparent de son retour. Je sais qu’il s’inquiète souvent de savoir s’il me rend suffisamment heureuse. La réponse est oui, définitivement, oui. Certes, j’ai des hauts et des bas (comme tout le monde), je repense parfois à des évènements douloureux et j’ai des gros coups de blues, mais je finis toujours pas me relever grâce à mon mari.

J’ai beaucoup de mal à comprendre comment un couple qui s’aime, qui se marie, qui fonde une famille, peut en arriver, quelques années plus tard, à se déchirer et à nuire au bien-être de leurs enfants. Je sais que ma mère aimait profondément mon père, et sans doute inversement, alors pourquoi d’un coup ils se sont mis à se disputer, à se suspecter du pire, à se mentir, à se quitter brutalement, puis à se haïr. Est-ce que je suis trop naïve ? Est-ce qu’à un moment ou à un autre, on peut se lasser de son époux, on peut en venir à le mépriser et même à lui vouloir du mal ?

Ils se disputaient énormément. Peut-être que leur divorce était un mal pour un bien. Pour eux en tout cas. Car en tant que leur enfant, j’étais une victime collatérale. Cela me fait doucement marrer lorsque je vois à la télé ou au cinéma des couples qui divorcent tout en restant amis. J’aurais tellement aimé qu’il en soit ainsi pour mes parents. Je crois que ce n’est que du cinéma, que ça n’existe pas. Il y a toujours beaucoup de rancoeur et d’amertume lorsque deux personnes se quittent. Les histoires de partage de patrimoine n’arrangent rien… Chacun devient un vrai vautour lorsqu’il s’agit d’argent…

Quand on pense qu’un couple marié sur trois divorcera quelques années plus tard (voire un sur deux en Ile-de-France), ça fait froid dans le dos. J’avoue, c’est une énigme pour moi. Notre professeur de philosophie disais que si l’on n’aimait plus son époux à un moment de sa vie, c’est qu’au fond on ne l’avait jamais vraiment aimé. Cette réflexion m’a toujours laissé perplexe. Y aurait-il plusieurs formes d’amour ? De l’amour bon marché avec une durée de vie limitée et de l’amour exceptionnel qui serait éternel ?  Ou bien est-ce la faute des êtres humains qui peuvent évoluer différemment chacun de leur côté jusqu’à ne plus reconnaître et aimer l’autre pour ce qu’il est (devenu) ?

Personnellement, je n’imagine pas une seconde ne plus avoir de sentiments pour mon mari au point de demander le divorce, tout comme je ne me vois pas infliger la garde alternée à mes enfants. Je ne cherche pas à culpabiliser ceux qui divorcent, parfois c’est nécessaire, mais je veux juste les mettre en garde, qu’ils fassent très attention à ce qu’ils disent de l’autre devant leurs enfants, car ça peut faire d’énormes dégâts… Comment un enfant peut-il construire sa personnalité s’il est renié par chacun de ses parents qui le traite comme « l’enfant de l’autre » ? Comment s’aimer lorsqu’on s’entend dire « tu as mal fait, tu tiens vraiment de ton père (ou de ta mère) » ? Comment être un enfant insouciant lorsqu’on voit ses parents pleurer, s’enfoncer dans la dépression et la solitude ou proférer des menaces de mort à l’encontre de l’ex-conjoint ?

Avec le temps, les défauts ont tendance à s’accentuer dit-on, alors la solution ne serait-elle pas de faire chacun de son côté des efforts, même après 10, 20, 40 ans de mariage, pour ne pas annihiler l’amour que l’autre nous porte ?

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  • Céline
    25/07/2013

    Je ne sais pas vraiment répondre à tes questions, j'ai eu la chance d'avoir des parents et des grands-parents soudés, unis, aimants. Je ne peux qu'imaginer ce que tu as pu ressentir… Courage ma belle !


    • Clémence
      30/07/2013

      Merci beaucoup !


  • Cathy Cathnounourse
    26/07/2013

    J'ai déjà eu en classe des enfants dépressifs et en échec scolaire : leurs parents divorcaient!
    En tant qu'enseignante, je ne prends pas ça à la légère car les répercussions sont importantes…
    Il n'y a pas plusieurs formes d'amour à mon sens. C'est simplement que l'amour évolue au fil des ans : de fougue et passion, il devient tendre évidence et complicité!


    • Clémence
      30/07/2013

      C'est vrai que bien souvent les amours "passion" se transforment en amour "tendresse". Et effectivement, certains enfants dont les parents divorcent peuvent avoir des difficultés scolaires. Moi c'était l'inverse, je m'éclatais à l'école et limite je n'aimais pas les week-end avec mes parents !


  • Bérangère
    26/07/2013

    J'ai vécu un peu le même genre de choses en plus soft et comme toi je leur en voulais de m'infliger leur divorce car si eux étaient ravis de se séparer, pour moi cela a été difficile. La valise à préparer tous les 15j pour voir mon père, les secrets, les mensonges…
    Je ne sais pas pourquoi deux êtres qui se sont aimés pendant 18 ans peuvent subitement se rendre compte que cet amour a disparu et s'est mué en indifférence la plus totale. Bon courage !


    • Clémence
      30/07/2013

      Ah la valise tous les 15 jours, j'ai connu ça… C'est pas facile de cloisonner sa vie entre chacun des parents… 18 ans de mariage, wahou, comme toi je reste pantoise… Bon courage !


  • Anonyme
    28/07/2013

    Le divorce, un mal sans doute nécessaire pour certains couples, mais qui fait très souvent des dégâts chez les enfants concernés. Pour l'avoir vécu, j'ai comme toi l'impression de ne pas avoir eu une relation pleine d'amour avec mes parents, il y a un manque, une cassure…


    • Clémence
      30/07/2013

      J'espère que ce manque pourra rapidement être comblé, bon courage !

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