Lettre à mon (ancien) gynécologue

Cher Docteur V.,

J’attendais mon premier enfant en septembre 2008, alors autant te dire que j’ai passé un petit moment sur le net pour trouver le gynécologue parfait. J’ai lu plein de témoignages de mamans satisfaites par ton boulot, et ta maternité faisait partie des 15 meilleures de France d’après un célèbre journal quotidien. Je suis donc venue en toute confiance à nos rendez-vous.

Cela ne durait jamais bien longtemps, 2-3 questions, comment ça va, toucher vaginal et échographie de contrôle. Mais tu avais l’air pro, j’avais confiance en ton jugement. Lors de mon cinquième mois de grossesse, tu m’as sentie fatiguée alors tu m’as dit que ça serait bien d’arrêter le boulot, là maintenant. Moi je ne pouvais pas lâcher mon boss du jour au lendemain, il fallait que je trouve un remplaçant, donc tu m’as laissé une dizaine de jours pour m’organiser. J’avoue, je pensais ça normal de vouloir m’arrêter si tôt car j’avais un boulot très prenant et assez stressant. Et puis tu ne m’as donné aucune explication physiologique. 

A la visite du 6ème mois de grossesse (c’était un vendredi), je te revois tordre la bouche, me dire que tu avais bien fait de m’arrêter le mois précédent. Mais tu n’es pas rentré dans les détails et je ne voyais rien d’autre à dire que « mais le bébé va bien ? » Tu m’as répondu oui en me faisant entendre son cœur, mais tu m’as inquiétée quand tu as fais une écho du col. 18mm as-tu murmuré. Pour moi cela ne voulait rien dire de spécial, tu aurais pu me dire 8 ou 48mm, je n’y connaissais rien, c’est en toi que j’avais confiance pour m’éclairer.

Je me souviendrai toujours de cette question. Je t’ai demandé, « mais alors, ce soir par exemple on doit aller faire des courses, cela signifie qu’il vaut mieux que je n’y aille pas ? » Tu m’as répondu de façon très zen, « non vous faites comme vous voulez, mais bon, évitez si vous pouvez ».

Avec le Mâle, par sécurité, on a décidé que je resterai allongée sur le canapé pendant que lui ferait les courses. Les jours suivants, je me suis reposée au maximum allongée alors que tu ne m’avais donné aucune consigne en ce sens.

Le lundi 30 mars midi, le Mâle est rentré déjeuner à la maison. Sans savoir pourquoi, je me suis mise à pleurer en disant « je ne veux pas accoucher maintenant, c’est trop tôt ». Et moi qui suis catholique pas très pratiquante, j’ai ressenti le besoin de mettre ma petite croix en bois autour du cou.

Le soir vers 20h45, j’étais confortablement installée sur mon canapé et je regardais la télé. Soudain j’ai senti un « plop », et de l’humidité. J’avais percé la poche des eaux mais je n’en étais pas certaine. Je pensais qu’il ne fallait pas que je me lève pour garder le liquide amniotique pour le bébé donc j’ai attrapé mon portable sur la table de salon en tendant le bras et j’ai appelé le Mâle qui était en train de finir de déménager notre ancien appart de Boulogne. Ensuite j’ai appelé le 15, une dame m’a demandé combien j’avais perdu de liquide, je lui ai répondu un bon verre, elle s’est exclamé « ah tant que ça », alors j’ai répondu »non peut-être moins, je reste allongée je ne m’en rends pas bien compte ». Elle m’a demandé si j’avais des contractions, j’ai répondu non. Du coup elle m’a envoyé une simple ambulance avec deux champions au volant (on en reparlera plus tard).

Le Mâle est arrivé avant l’ambulance mais il avait la voiture bourrée à craquer donc je n’aurais pas pu monter dedans. Un ambulancier a sonné, il m’a dit de me lever, et là ce fut les chutes du Niagara. J’ai perdu environ 50cl de liquide amniotique d’un coup, j’étais complètement trempée et paniquée, au bord des larmes. J’ai mis une serviette éponge entre mes cuisses. L’autre ambulancier m’a dit « mais c’est bien 7 mois, y’a pas de souci ». J’avais envie de le gifler. Dans l’ambulance je n’étais même pas allongée mais assise… Et j’étais secouée comme pas possible.

Dans l’ambulance, le gars qui n’était pas au volant me demandait s’il devait mettre rupture de la poche des eaux ou perte de liquide amniotique sur son rapport. Un champion je vous dis !

Arrivée à ma maternité de niveau 2, j’ai eu droit à tout un tas d’examens, prise de sang, ECBU, perfusion contre les contractions, piqûre pour la maturation des poumons, échographie et touchers vaginaux. J’en ai eu 3 dont le dernier qui fut très douloureux, comme un décollement de membranes. D’ailleurs quelques minutes plus tard je commençais à ressentir de légères contractions.

Mais je ne pouvais pas rester dans cette maternité à 31+3sa, donc le SAMU m’a transférée vers la maternité de l’hôpital Béclère à Clamart qui est de niveau 3. Et là-bas rebelote, tous les examens sanguins et bactériologiques, un toucher vaginal, une écho (bébé estimé à 1,850kg)… L’interne m’a dit qu’ils arrêtaient ma perfusion contre les contractions car j’avais sûrement une infection pour que la membrane se soit rompue et que bébé soit aussi pressé d’arriver (ce qui s’avérera faux). J’étais complètement paniquée, j’ai dit « c’est trop tôt », j’ai demandé à voir le médecin, l’interne est revenue avec 2 Spasfon à me donner, autant dire que dalle…

Je ne vais pas revenir là-dessus, j’ai accouché le mardi 31 mars 2009 à 4h44 de mon aîné, 2kg020 pour 44cm à 31+4sa, il est allé en réa néonat pendant une bonne semaine et après il a été transféré en néonat dans ma maternité de niveau 2. Il se trouve qu’à Béclère, les sages-femmes et la gynécologue étaient extrêmement étonnées qu’avec un col raccourci à 18mm tu ne m’aies rien dit, tu ne m’aies pas hospitalisée, tu ne m’aies prescrit aucun médicament contre les contractions, aucun suivi avec une sage-femme à domicile. Normalement le protocole exige qu’en-dessous de 25mm, il y a hospitalisation et tout le toutim. Si tu m’avais hospitalisée ce vendredi, je n’aurais peut-être pas accouché le mardi suivant. Ou du moins j’aurais eu le temps d’avoir la cure de corticoïdes pour que mon bébé puisse respirer seul, au lieu d’être intubé.

J’en ai parlé dans la maternité où tu exerces et le personnel était gêné. Les infirmières puéricultrices me disaient qu’il fallait que j’en parle avec toi, que je ne devais pas garder ça pour moi. Mais voilà, même quand je suis tombée sur toi dans un couloir trois jours plus tard, je t’ai raconté l’accouchement mais je n’ai pas osé te faire ouvertement des reproches. Aujourd’hui encore je t’en veux car tu as gâché mon premier accouchement. Peut-être qu’il faudrait que je trouve le courage de t’écrire une lettre manuscrite. Même si c’est trop tard, peut-être que tu serais plus vigilant à l’avenir avec des jeunes femmes de mon profil. Non un col raccourci à 18mm à 31sa, ce n’est pas anodin.

Bêtement, je t’ai encore écouté lorsque tu m’as dit que c’était idiot de faire une hystéroscopie car si j’avais une béance du col, j’aurais fait une fausse couche tardive. Après la grossesse compliquée que j’ai eue pour Poupette (4 hospitalisations pour MAP), on m’a de nouveau prescrit une hystéroscopie à Béclère. Et bingo, j’ai une grosse béance du col… Décidément, j’ai eu tort de te faire confiance… Heureusement, mon fils a vite récupéré et n’a gardé aucune séquelle de sa prématurité, mais tu m’as volé une fin de grossesse normale, tu m’as pris le droit de pouponner mon nouveau-né et de le ramener à la maison en même temps que moi.

Dr. V., je t’en veux encore aujourd’hui et j’espère pouvoir te pardonner un jour et me pardonner d’avoir eu une confiance aveugle en toi…

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  • Anonyme
    15/04/2015

    c'est touchant – beau témoignage


  • Anonyme
    29/05/2016

    Ça ma émut ton accouchement mais ce qui es fait est fait la petite va bien c'est ce qui compte. Le gynécologue ta profondément déçu tu s si bien raconte ce que tu a vécu que je m'y suis cru. En tout cas j'espère que tes chetie s vont bien aujourd'hui un an après. Bise.

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